Il y a des mecs, comme ça, qui nous donnent envie de délaisser les gestes barrière et de nous ruer dans un New Morning plein à craquer, de se prendre une bière éventée et d’aller frotter sa sueur sur les rambardes métalliques du premier rang. Popa Chubby est de ceux-la. 30 ans aujourd’hui qu’il trimbale son imposante carcasse sur les scènes du monde entier et plus particulièrement la France, qui lui réserve son meilleur accueil. Il n’est pas le seul dans ce cas-là. D’autres blueseux comme Calvin Russell ont une relation privilégiée avec notre pays. Popa Chubby est américain. Il vient de New-York. Du Bronx. Son blues, il l’a créé en biberonnant du Black Sabbath, du Van Halen, du Deep Purple, du Randy Rhoads (Ozzy Osbourne) ou du Led Zep. C’est pour ça qu’il est plus agressif que les autres. Mais il connaît aussi par cœur son Albert King. Avec lui, le blues new-yorkais s’est entiché du rock, de la funk et de la pop. Moderne et urbain. Après avoir mélangé tous ces mondes-là, après s’être baladé chez Jimi ou Stevie Ray, après 24 albums studios - jamais deux fois le même - il est temps de voir ce que Popa a à nous dire aujourd’hui. Notre balèze a composé, écrit, enregistré, produit tout seul cet opus durant le confinement du premier semestre 2020. En plus de ses sentiments “contrariés”, il a trouvé en l’administration Trump une source intarissable de sujets à expurger. Diamant sur le sillon. Tinfoil Hat : première diatribe anti-Trump, anti-complotiste, aux textes ironiques, humour au huitième degré. Musicalement, du pur blues d’obédience sudiste qui force à taper du pied. Titre très direct, cru, compact. Pas de fioriture. La batterie est massive, très efficace. Si vous aimez ce titre, je vous conseille le deuxième album de Me And That Man. On enchaine avec Baby Put On Your Mask. Alors oui, Popa Chubby à la batterie, ça manque un peu de finesse mais ça colle parfaitement à l’énergie de ce disque. Nous avons ici affaire à un blues traditionnel. Le premier solo de Slide arrive et pu*#%n il est toujours aussi fluide. Fluide comme l’intro de No Justice No Peace, un blues planant, porté par des textes inspirés des violences policières américaines récentes et par ce slogan, repris depuis des années à travers le monde, répété en boucle à la fin du morceau, tel un mantra, un cri de colère pendant plus d’une minute. Le prophétique Someday Soon (Change Is Gonna Come) est calqué sur le titre éponyme : même rythmique, même ambiance mais traversé d’une guitare Slide délicieuse tout le long du morceau. Ça peut rappeler certains morceaux de Seasick Steve, quand ce dernier décide d’appuyer sur la pédale de distorsion. Le refrain est un peu long sur la fin, peut-être le premier signe d’une baisse d’inspiration. Can I Call You My Friend est le morceau à l’origine de cet album. Isolé pendant la pandémie, en proie à des atermoiements conjugaux, le guitariste lance ce morceau sur la toile, afin de voir si il y avait encore quelqu’un pour l’écouter. Face à la réaction des fans, il décide de prolonger l’expérience de tout enregistrer chez lui, tout seul. Ici, le titre a une rythmique très rock, quasiment Hard-Rock. Ce qui le maintient au récif du blues, c’est ce phrasé iconique TrainBeat à la batterie. Mais c’est surtout l’émotion mise à nue avec cette question que Popa nous pose qui ressort. On ressent une détresse, une urgence. Peut être le meilleur titre du disque. You Ain’t Said Shit est une petite douceur, façon aire de repos, entre Twist et Surf-Music. Pas transcendant mais plaisant. Avec Another Day In Hell, on touche au coeur du problème de ce disque. La production. On s’apprête à retrouver le Popa Chubby sombre et électrique. Un solo de guitare lance le morceau... et là où on s’attend à ce que la note déchire l’espace, ça ne prend pas parce que la guitare est enfouie au fond du mix. On partait sur un blues surpuissant. Pschiiit... On enchaîne heureusement avec un instrumental sur lequel on sent le parfum des 3 KING (Albert, B.B. Et Freddie) et de Stevie Ray Vaughan. Tout y est. Le blues Shuffle, le feeling. Jouissif. Cognitive Dissonance est le petit plaisir reggae de notre écoute. Ça le fait. Le gars peut tout jouer. Fin d’album un peu en roue libre avec une ballade pop peu marquante (Embee’s Song) et avec un 1968 Again, qui se veut rétrospectif. Un chouette coup d’œil dans le rétro pour redécouvrir ses héros musicaux comme au premier jour. Un blues marqué d’une guitare Dobro en slide . Résumons nous : Popa Chubby sait d’ordinaire être plus sale, plus électrique et abrasif. Après une bonne première moitié, l’album est un peu trop clean niveau son et manque de moments forts. Mais au vu de son contenu émotionnel, du contexte dans lequel il a été concocté, il est le reflet de ce qu’un des artistes les plus honnêtes du circuit avait à nous offrir. Et pour une fois qu’un musicien pose ses tripes sur la table, on ne va pas bouder notre plaisir. À voir absolument en live dès qu’on pourra.
Bonne écoute !
Note : 🌟🌟🌟🌟
Se procurer l'album : https://www.popachubby.com/store
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