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Fabrice Roots

Shemekia Copeland : Une immense légende sur microsillon

Shemekia Copeland est sans conteste l'une des reines du Blues contemporains les plus connues.


Si vous aimez le Blues sans la connaître, il va falloir réactualiser votre discothèque car elle sort un nouvel opus. Depuis son plus âge Madame Copeland écume les scènes, suivant les pas de son papa guitariste, feu Johnny Copeland. Toutes les influences du Blues sont convoqués, du Gospel au Rock, parfois teinté de Country. D'ailleurs la liste des invités ne laisse aucun doute sur ces intentions : Sonny Landreth, Cedric Burnside ou Charles Hodges. Vous ajoutez à cela d'habituels acolytes et avant même d'avoir écouté, vous salivez déjà.


Dès l'entame, la voix est puissante comme à l'accoutumée. J'étais en train rêvasser et là je tends vraiment l'oreille. Je m'installe dans mon siège Ikéa, me sert un rhum Damoiseau et ferme la porte de mon bureau. Ce moment là sera pour moi.


« Too far to be gone » me fait songer à Hound dog Taylor avec ces guitares bien grasses et saturées. C'est rentre-dedans, les paroles sont engagées et le Black lives matter résonne aux lèvres de la Diva. Les guitares balancées gauche et droite font un travail de sape, les solos sont justes, ce qu'il faut, pas plus. Tout est au service de la voix et du propos. Le riff est entêtant et me fait parfois penser à un ZZTop des origines.


« Pink Turns To Red » est encore une chanson engagée sur le thème des armes à feu. Elle relate les fusillades commises par des adolescents aux États-Unis. La voix de la dame tempète sur un tapis de guitares volantes et une rythmique appuyée et sans fioritures. C'est extra dirait mon ami Léo.


Sur « The talk », s'intalle Hodges, un sideman du grand Al Green. La guitare blues rock et son orgue hammond se déroule pour soutenir cette superbe ballade. C'est puissant comme appel au dialogue et Le solo est divin, la voix nerveuse, profonde nous prend au trip. Je ne sais qui est ce jeune homme mais elle va lui parler de son erreur. Il va s'en souvenir, c'est certain.


« Gullah Geechee » débarque et mon fils ouvre la porte, une superbe worksong. Il se fige et me demande qui est-ce. Il semble fasciné et reste écouter avec moi. Ce sera un moment à nous finalement. Le banjo et les chœurs nous transportent. Ils tapent lui aussi des mains et se met à dodeliner, gigoter plutôt, je le rejoins. C'est spirituel et transcendantal. Nous nous oublions tous les deux pour danser et puis il repart. Je reste avec cette voix et ce groove venus des champs de cotons, passés par la mer depuis le Mali.


« Fried Catfish And Bibles » est tout aussi entrainant mais dans un registre plus Country. Accordeaon, Washboard, violon, c'est la fête cajun, le groove zydeco.


Mais voilà que « Done Come Too Far » et mon guitariste favori ces derniers temps, Cedric Burnside et son bottle neck, sont invités à discuter avec Shemakiat Copeland. Il répond de la voix ou de la 6 cordes. Le duo fonctionne, le dialogue s’installe. Oui ceux là ne vont pas s'arrêter, ils respirent le Blues, le combat, le militantisme aussi. Peut-être l'un des titres les plus puissants de l'album. C'est planant et hypnotique à la fois, l'harmonie immobile et les slides servent à merveille la narration.


Bon décidément ce fauteuil Ikéa ne me convient pas et mon bobber est en panne. Pfff. Tant pis, je préfère le blues en roulant dans la pampa mais je me contenterai d'un repos scandinave pour le moment.


L'album s'écoule avec toujours ce sens de l'équilibre entre puissance, construction harmoniques et mélodiques.


Je pars me resservir un ti punch lorsque « The Dolls Are Sleeping » s'élève, avec ce riff très particulier à la guitare acoustique. Superbe ! Elle évoque ici les abus sexuelles, la pédophilie avec un sérieux et émotion, oscillant entre colère et tristesse. Je me rappelle la voix troublante de Koko Taylor ou Betty Lavette. Elles n'auraient pas renié ce titre.


« Dumb It Down » me semble plus convenu mais fonctionne avec brio. Le genre de titre qui enflammera probablement les salles. Un blues funky servi par l' hammond virevoltant de Hodges j'imagine.


Et puis Muddy Waters débarque ! Ah non, il est mort. Paix à son âme. Tiens, mon fils est de retour. Je crois qu'il aime bien celle-ci aussi. Moi aussi. L'’arrivée du pont est rafraîchissante. Les guitares sont grasses à souhait et le solo fait grésiller mon enceinte droite. Ce "Nobody but you" est décidément très réussi.


C'est une bien belle œuvre qu'elle délivre. Solide, émouvante, puissante, engagée. Nul doute que cet album va encore tourner dans mon casque, d'autant que je ne l'ai pas encore écouté en traversant les paysages désertiques, le regard perdu au loin et les oreilles remplies de merveilles soniques.


Note :⭐️⭐️⭐️⭐️






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