(Interview du 29 novembre 2005)
Tout d'abord, d'où vient ce nom de "Révérend" ?
Inspiré par certains musiciens de Blues tels le Révérend Gary DAVIS, Rev HORTON HEAT, Rev Billy GIBBONS + un zest de la nuit du chasseur (film avec Kirk Douglas et ses mains tatouées Love/hate)...le Ying et le yang ou l'individu hésite entre le pire et le meilleur de lui et en outre un certain coté que j'ai de plus en plus en moi tendu vers l'amour pour combattre la haine
Commençons par ton enfance et adolescence. Que retiens-tu de cette époque ?
L'insouciance, fils de parents/ouvriers/congés payés, avec pas grand chose on faisait beaucoup, Belleville années 70's, Rock n roll, premiers amours, premières désillusions sous les néons des bars de la rue Pigalle. Vince Taylor, Rock n roller, l'Olympia 78, mon Père, ma première guitare, des odeurs, des couleurs .... la légèreté de la jeunesse et de l'époque, le mouvement hip, ne pas avoir peur du lendemain.
Comment t'es venu l'amour du Blues ? Le déclic... D'un retour aux choses les plus simples, celles qui viennent du cœur et non de la technique froide et sans identité. Du partage, de la tolérance et de l'amitié... Le Blues est une table ouverte où les convives s'assoient et prennent ce qu'ils désirent à partir du moment où ce qui leur est offert vient tout droit en direct de l'âme. D'un point de vue musicale, 2 "révélations" : l'utilisation de la pentatonique en DO majeur par Jim Mc Carthy guitariste de "feu" CACTUS en 70 et ma rencontre avec Buddy GUY. Cette dernière m'a fait réaliser qu'il fallait que je "désapprenne" ce que je connaissais pour privilégier le touché, la note... le feeling... l'émotion!
Ta renommée a débuté très jeune, au Golf Drouot,en accompagnant Vince Taylor et c'est aussi la création de ton 1er groupe "Rock 'n' Roller"...Quels souvenirs gardes-tu de tout ça ?
Le Golf Drouot, Le Gibus, des festivals et des premières parties, mais aussi Rock n roller avec Serge Doudou, Gérald Coulondres et Yves "Pipo" Thepaut qui m'ont appris la route, le travail et le sérieux avec plus de 100 concerts /an durant cette époque. A la clé un album LP "énergie 78" chez Vogue vendu a 14000 exemplaires (important pour cette période) signé par Jacques Wohlfson ( Hallyday,Dutronc, Gainsbourg..) le tout à 18 ans. Je n'aurais pas assez de place pour te raconter tout ce que j'ai pu faire voir ou entendre ...et boire !
Et après se sont enchaînées les premières parties de Deep Purple, Screamin Jay Hawkins, Buddy Guy, ZZ Top,Mick Taylor et Johnny Winter dont on dit que ta première guitare acquise pour 50 francs à l'époque, lui aurait appartenu. Racontes-nous un peu cette période... Pour Deep Purple, je tiens a rétablir la vérité car effectivement j'ai rencontré plusieurs fois Ritchie Blackmore au sein de Rainbow avec Mark Clarke (ex Tempest/Colloseum) et Cosy Powell (ex jeff Beck), mais je n'ai jamais fait la première de Deep Purple. Toujours avec RAINBOW, rencontre à Paris et à Londres où j'ai plusieurs fois jammé avec eux en studio. Pour tous les autres, absolument exact et de grands moments de plaisirs et de partages de scène. A rajouter Gwyn Ashton, Popa Chubby et d'autres. La guitare à 50 francs... Le prix est une erreur et elle m'a coûté 3500 francs en 1981. Venant droit de chez Mannis à NYC, celle-ci aurait appartenu à Johnny Winter à une époque où il s'est séparé pour raisons personnelles de biens lui appartenant (dixit le magasin de musique new-yorkais et parisien). Je ne veux surtout pas oublier 3 personnes que j'aime et j'admire et dont j'ai le privilège de connaître depuis de nombreuses années : Mes ami(e)s Beverly Jo Scott (Lady sings the Blues) Little Bob (phénoménal) et Paul Personne (René the Bluesman). Nous nous croisons souvent sur la route et qu'importe le succès du moment pour l'un ou pour l'autre, les liens sont toujours aussi simples et francs comme à une époque éloignée ou nous n'étions rien que des musiciens apprenant leur métier avec passion et folie. Envisagerais-tu, un jour, de jouer avec une autre guitare que ta fameuse Gibson Firebird ? Bien sûr, la mienne étant une Firebird I reverse 1963, je me verrais bien avec une Firebird II ou une III (rires), peut-être bien aussi avec une Les paul Gibson standard 58 ou 59, le tout assaisonné d'une stratocaster Fender série L et pour finir en acoustique, une D35 Martin et un dobro National.... Voilà la liste pour le Père Noël. Aurais-tu voulu être né plus tôt pour vivre l'époque de Muddy Waters, J.B Lenoir et te sens-tu bien dans ton époque ? Vivre plus tôt : Non. Je suis bien dans mon époque car je peux témoigner, griffer, me battre et hurler .... Les thèmes d'écritures ne manquent pas. Le Blues moderne, c'est l'expression de la précarité et de la misère dans les villes. Ces fléaux ont remplacé les chaînes des esclaves du Mississippi et d'ailleurs. Le manque d'avenir, de projets avec des moyens pour les réaliser eux sont devenus les champs de coton de beaucoup de gens en France....les rappeurs ne sont que les bluesmen modernes, des grios des cités, qui expriment avec leurs moyens le reflet de la société qu'ils perçoivent comme JB LENOIR, Son HOUSE ou Tampa RED à leur époque. L’ouverture musicale pour moi est une chose primordiale. Je hais les chapelles, les rangements dans telle ou telle catégorie. Bien que ce soit un sport national en France, lorsque quelque chose me fait vibrer alors tu peux compter sur moi. Je ne fonctionne pas avec mes oreilles mais avec mes coronaires : quand elles sursautent, c’est que c’est magique et ça à n’importe quel endroit de cette putain de planète où je me trouve. Que pourrais-tu dire sur Lionel Raynal (ton vrai nom) et Le révérend, une seule et même personne? Ton auto-critique en quelque sorte... Je suis le même à la ville qu'à la scène et cela depuis toujours, depuis que je suis musicien. Un certain mode de vie, les mêmes vêtements, la même façon de dire et voir les choses, disons que pour faire un raccourci, on pourrait dire le Rev Lionel Raynal. Sans guitare, le personnage et le discours restent ancrés en moi. Personne ne me fera changer, je tiens à rester tel que je suis avec mes défauts et paraît-il certaines qualités et continuer a me lever le matin en me regardant dans la glace sans en avoir honte. T'aurais-tu imaginer faire autre chose que jouer ta musique ? Un autre métier... J'en ai eu !!! des alimentaires.. Difficile, une certaine schizophrénie à vivre chaque jour en te rendant à ton travail . Depuis quelques années, grâce à la société qui m'a rejeté définitivement de ses normes et de ses contraintes, je suis musicien de métier. Tu es devenu, aujourd'hui, une véritable icône du Blues/Rock français et on t'a vu, encore récemment, participer à des actions de solidarité. Tu es également 3éme adjoint au maire d'une ville de seine et marne. En tant qu'artiste, on te sent aussi vraiment impliquer dans ton rôle de citoyen. Qu'en penses-tu ?
Je suis un artiste de proximité comme je suis un Adjoint de proximité. On me trouve, chaque jour très peu à mon bureau à la Mairie, mais dehors, dans les rues, les bars (pas de rires ), les manifestations associatives et là je rencontre les gens. Je pense que pour un élu comme moi d'une commune de 2900 habitants, ma place est auprès des citoyens et pas le cul vissé sur un fauteuil à attendre le chaland. Les problèmes, les demandes s'écoutent en dehors et se règlent après en concertation avec les élus municipaux. Avant tout : La Proximité. Être disponible et à l'écoute. Quand les Élus de "haut niveau" auront compris qu'il faut revenir à la notion historique de la Révolution Française (humilité, désintéressement, partage), ils perdront leurs privilèges de palais, c'est sûr, mais se rapprocheront de la population pour enfin comprendre les réelles interrogations et les besoins des gens. Depuis de nombreuses années, la France d'en bas, comme ils disent, , n'a malheureusement que des politiciens d'en haut.
Parlons maintenant de ton groupe. Quelle est la genèse du "Révérend Blues Gang ? Et décris-nous un peu les musiciens qui t'accompagnent. Ne parlons pas de genèse ou de début mais de présent, certaines événements se sont produits depuis Août 2005 et Mickael Ravassat (guitare) et Anthony Delanoy (basse) ont quitté le BLUES GANG pour d'autres projets personnels.
Dans les précédents albums, on retrouve les influences de ZZ Top, AC/DC, Muddy Waters, Elmore James...Sur le prochain album que vous préparez, y-aura-t-il des influences particulières ?
Les choses avancent, le RÉVÉREND est toujours "still, alive and well" et je termine actuellement l'écriture de mon 4ème album (paroles et musique) avec la présence à l'enregistrement Mars 2006, de quelques noms (Boney FIELDS, cuivres) et duos fameux avec (BEVERLY JO SCOTT, Little BOB) et en attente de confirmation Paul PERSONNE. Cet album sera dans la lignée de la tradition Blues rock qui m'anime, constitué de paroles et musiques originales. Les textes marqueront mon implication en ce qui concerne le droit des minorités ethniques, un combat pour une Europe sociale ainsi que l'amour, le partage et l'amitié qui devraient être les valeurs pour faire évoluer ce monde. CLAFF Germain, Roi du Cœur du RÉVÉREND, avec l'immense talent qu'on lui connaît sera à mes cotés à la batterie pour la réalisation "studio" de ce 4ème opus.
Sur tes influences, il y a aussi celle de BB King qui fait ces adieux cette année. Espères-tu pouvoir jouer aussi longtemps que lui ?
Téléphone au Tout Puissant et demande lui combien de temps il va encore accorder au RÉVÉREND Brother ! Sinon tout le temps que j'aurais du bonheur à jouer et à donner à celles et ceux qui m'aiment. Si tu devais décrire ta musique en un seul mot, ce serait lequel ?
Furious power Blues . Appellation fournie par mon ami VAN WILKS d' AUSTIN
Sur scène, on te sent vraiment très proche du public. Quel rapport as-tu avec lui ? Quelles sensations t'apporte-t-il ?
Celle du cœur et de la générosité. C'est une symbiose entre mon public et ma musique. Sans émotion, sans mise en danger pas de magie... je me fais mal, comme certains pilotes de chasse, je me prends le "voile noir" quand je force et que je vais chercher au plus profond de moi même mais c'est moi et je ne peux rien changer. Mon public le sait et m'aime à travers cette souffrance nécessaire dans mes concerts. Il y a un sujet brûlant de nos jours qui est le piratage. Dis-nous un mot là-dessus, ce que tu en penses...
Moi je suis en auto-production pour l'instant et pour les 3 albums réalisés. Ce qui est sûr, c'est que chaque CD ou DVD que l'on me pirate est une part en moins pour la production des albums futurs. D'autre part, étant auteur compositeur et sociétaire SACEM, je perds des droits. D'un autre coté, le piratage multiplie les points d'écoute, cela me fait connaître !!! va savoir !
D'autre part, les gens ont des ordinateurs, des logiciels gratuits pour pirater et des lignes à très haut débit pour améliorer les téléchargements de dizaines et dizaines de titres. Le prix des disques n'y fait rien à l'affaire.. Alors tu vois là c'est glauque... on sait pas trop sur quel pied danser.
D'après toi, quel nouveau groupe est vraiment dans la continuité des pionniers du blues ou du rock ?
Des pionniers ?? Comme tu as pu le remarquer, je ne suis pas très conquête de l'Ouest. Custer était un boucher, Kit Carson un assassin, Buffalo Bill idem etc...mais sérieusement dans le monde musical, j'aime bien Joe Bonamassa, Bill Perry, Jesus Volt et ... Anastacia et Zucchero !!! Choix personnel, choix de voix de charisme et de talent. Cela n'engage que moi et j'assume.
Ton avis sur la Star Academy ? Peut être Le RÉVÉREND au château pour 2006, histoire de chanter quelques Blues à l'oreille de Raphie et de l'emmener en salle CSA "out of record".
Si tu devais choisir 1 album ou 1 morceau à emporter sur une île déserte ?
Johnny WINTER 'CAPTURED LIVE !'
Un dernier mot ? Paix sur vous et Keep the BLUES in the deep of your heart !
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