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Xavier Boulanger : Le Jukebox du Delta Man

Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter, en quelques mots ?

Merci tout d’abord de m’avoir interrogé pour votre blog. Je m’appelle Xavier Boulanger, je suis animateur bénévole de radio. Mon terrain de jeux, c’est le Blues, le Rock et l’Americana. J’ai toujours fait de la radio, toujours comme bénévole. J’aurais pu en faire mon métier à deux reprises, mais ça ne s’est pas fait pour diverses raisons. C’est resté à titre de passion, un virus qui m’a attrapé quand la bande FM s’est ouverte, libérée serait plus approprié, c’était en 1981, ça semble si loin, mais ce fut une véritable révélation personnelle et une incroyable révolution pour les auditeurs qui avaient enfin accès à une pluralité musicale qui n’existait pas jusqu’alors.

J’ai commencé derrière la table de mixage, « à passer » des disques pour des animateurs, « tu me mets la piste 3 de la face B » me disait l’animateur dans le casque, fallait être rapide pour caler le diamant sur le bon sillon. Il n’y avait aucun système numérique à ce moment-là, tout se faisait avec des vinyles, et parfois on devait retrouver des sons sur un magnéto à bandes de type Revox.

J’accompagnais à la technique tout un tas d’émissions, culturelles, musicales, informatives, interviews, j’apprenais en regardant les animateurs dont certains arrivaient de grandes radios périphériques. Ils étaient toujours pleins de bons conseils, et moi, j’adorais ça.

A cette époque, musicalement, j’aimais plein de trucs, ça allait d’AC/DC à Muddy Waters en passant par Janis Joplin, Status Quo, les Stones et les Beatles dont j’ai toujours été un grand fan ou des sons plus électroniques comme Ultravox, Simple Minds ou les premiers U2 sans oublier le premier album de Dire Straits qui fut une révélation. J’ai appelé ça du folk électrique, mais en fait je n’avais aucune notion de ce à quoi ça pouvait correspondre 😊 L’amour du blues et du rock et l’envie d’en faire des émissions m’est réellement venu quand on m’a demandé de faire la technique pour un animateur spécialiste du rock, j’aimais déjà ces musiques mais je ne savais pas les identifier clairement. Ce gars-là s’appelait Didier M., il n'était pas beaucoup plus âgé que moi, mais sa culture était impressionnante. Il n’y avait pas internet à cette époque pour aller récupérer les infos comme aujourd’hui, et on était même bien loin de se douter que ça pourrait exister un jour. Sa connaissance, il la puisait dans des magazines, des fanzines, des bouquins, des concerts qu’il matait sur des VHS, il épluchait les notes d’albums, il trainait dans les concerts, les festivals.  Son émission s’appelait Sound Check. Il m’a vraiment beaucoup appris, sur la culture du rock, sur la façon d’aimer un disque ou un artiste, ou comment écouter les morceaux d’un album pour y trouver l’essence qui donnera vie à une chronique. Voilà, ça a démarré comme ça, ensuite j’ai eu ma propre émission, un peu fourre-tout musicalement, éclectique on va dire 😊, puis plus précise, plus ciblée, entre temps, j’avais vu Muddy Waters en concert, une énorme gifle, j’ai enfin su mettre un nom sur la musique que j’aimais. Et une fois que j’avais trouvé mon équilibre musical, avec ce même animateur, on a créé le Friday Night Show, on prenait l’antenne tous les vendredis à 20h00 et on diffusait du rock, du blues, et plus globalement tout ce qui nous plaisait jusqu’à ce qu’on s’endorme sur la table de mixage au lever du jour 😊 on était un peu fous, mais on recevait plein d’appels de gens qui nous écoutaient la nuit, c’était vraiment un truc de dingue… on de demandait pourquoi tous ces gens nous écoutaient au lieu de dormir ou de sortir dans les bars 😊  

 

Vous présentez un podcast Le Jukebox du Delta Man. Comment vous est venue l'idée ?

C’est une idée qui a germé pendant le confinement en 2020. J’avais arrêté la radio depuis une dizaine d’années, trop pris par mes occupations professionnelles. Des copains avaient lancé une webradio qui s’appelait BluzTrain, et un jour alors que ce maudit confinement n’en finissait plus, on a échangé sur un projet d’émission pour leur webradio, au départ, je m’étais dit que reprendre le concept de Rapido d’Antoine De Caunes, ce serait sympa, un format super court, narré à la vitesse d’un TGV avec des sons hyper pêchus ; ça me plaisait bien, mais j’avais un peu peur qu’on me dise que c’était du plagiat. Alors, je me suis souvenu d’une émission mensuelle que j’avais préparé pour une autre webradio en 2008, ça s’appelait Mainstreet, comme la chanson de Bob Seger. Le concept était de broder pendant deux heures autour d’un sujet cible. Un mois c’était sur les Blues d’AC/DC, un autre je parlais de « la route » dans le rock et le blues, un thème cher aux bluesmen, j’avais aussi fait une sujet sur les reprises des titres de Bob Dylan par d’autres artistes, les multiples vies d’un Johnny Cash, bref, une thématique différente chaque mois.

J’ai donc repris un peu de ce format, mais en me focalisant plus sur des biographies d’artistes ou sur des anniversaires d’albums mythiques. Ma passion pour le Blues a été très vite rattrapée par d’autres univers musicaux.

Je l’ai appelé le Jukebox du Delta Man, Jukebox parce que je viens puiser dans ma collection de disques que j’ai numérisé pour la plupart et qui a bien grossie depuis toutes ces années. Cette machine (le Jukebox) reste pour moi l’évocation par excellence des sonorités américaines qui me font vibrer depuis toujours.

Le pseudo de Delta Man, c’est parce que j’ai animé pendant plusieurs années une émission qui s’appelait Delta Blues où je laissais mon penchant pour les « pères fondateurs » du Blues prendre les commandes de l’émission. De Robert Johnson à Blind Willie McTell ou de Son House à Leadbelly, et je me suis fait à l’époque une petite réputation (toute relative et modeste) dans la communauté blues en France. C’était à la fin des années 90, c’était aussi la grande mode des fanzines dans lesquels on se retrouvait souvent en tant qu’animateurs de radio locales transformés en chroniqueurs d’albums ou de concerts. A force de roder dans les salles de concerts et les festivals, on a commencé à me surnommer le Delta Man, et lorsque j’ai voulu me relancer avec BluzTrain pendant cette période Covid, j’ai récupéré ce vieux pseudo pour accompagner mon idée d’un animateur (ce fameux delta man) qui viendrait faire tourner les platine d’un Jukebox. Voilà l’idée derrière ce nom d’émission…

Je ne sais pas vraiment s’il y a un objectif derrière cette émission, sinon celui de faire plaisir à des auditeurs désireux d’écouter « autre chose » que ce qu’on leur diffuse de façon récurrente, et surtout de proposer du contenu de qualité. Aller à la pêche aux infos, croiser ces infos pour ne pas tomber dans le piège de l’intox ou de l’info qui trahit ton manque de connaissance, éviter de recopier du Wikipédia, bien que souvent, on y trouve de très bonnes infos, mais voilà, l’idée du Jukebox du Delta Man, c’est ça, raconter de belles histoires tirées de la grande aventure du blues et du rock, vécues par des songwriters inconnus comme des grandes stars dont finalement, le public ne connait pas grand-chose. Tout le monde connait le riff de Smoke On The Water, même la génération actuelle l’a déjà entendu et est capable de le siffler, mais très peu en connaissent la véritable histoire.

Voilà, le concept c’est vraiment de raconter de belles histoires, comment sont nés des tubes éternels comme Proud Mary ou Sgt Pepper, parler de la vie d’un Mississippi John Hurt ou de l’exceptionnelle carrière de Bonnie Raitt, reprendre la genèse d’un groupe, comme je l’ai fait pour AC/DC ou Deep Purple. Le concept de ce Jukebox du Delta Man permet un éventail d’émissions quasiment illimité en fait… Pour la dernière en date, j’ai profité d’une forte actualité autour de Mark Knopfler pour en faire une émission.

 

Vous avez présenté, pendant de nombreuses années, une émission, le Baker Street. En quoi cela diffère avec ce nouveau podcast ?

Le BAKER STREET était une émission que je présentais sur une radio B, c’est à dire commerciale avec un fort taux d’audience sur ma région. J’animais ce show tous les dimanches soir, en direct pendant deux heures, c’était plein d’adrénaline, j’adorais ça, la prise de risque du direct, le minutage des titres, de mes interventions, des jingles, des séquences publicitaires, tout était millimétré, les gens qui écoutent la radio ne se rendent pas compte de la minutie qui existe derrière une émission en direct. Je rentrais chez moi vers minuit totalement épuisé par cette adrénaline du direct. L’émission est devenue au bout de 2 ou 3 ans à un des médias les plus écoutés le dimanche soir dans la région, de mémoire on tournait aux alentours de 20% de parts de marchés, tous médias confondus, Internet, télé, autres radios, etc…  On avait les sondages Mediamétries qui tombaient, comme pour les grands médias nationaux. La différence avec aujourd’hui, c’est qu’il fallait annoncer les concerts à venir, caler une chronique pour parler de l’album de la semaine, diffuser beaucoup de nouveautés envoyées par les labels et les maisons de disques, sans oublier les « classic rock », célébrer des anniversaires, bref ça demandait une préparation différente mais beaucoup plus intense car hyper rapprochée dans le temps.

Le Jukebox du Delta Man, je le fais à mon rythme, et je choisis les sujets, si la préparation d’une émission me demande deux mois, alors je la monte en 2 mois, si j’ai plus de temps de disponible, je la créé en deux ou trois semaines. Je le fais à temps perdu, je n’ai plus cette pression hebdomadaire comme c’était le cas pour le Baker Street sur une grosse radio.

BluzTrain, la webradio qui m’a remis sur les rails des émissions de radio s’est arrêté depuis, désormais je prends mon temps, je développe les sujets, je renseigne l’émission avec des anecdotes, ce petit plus qui montre au auditeurs que le mec il a bossé son sujet, et ensuite ces anecdotes seront ensuite reprises par le gars qui a écouté l’émission pour épater un pote, je pars à la recherche de titres inédits, je vais régulièrement faire la tournée des disquaires pour y faire mon marché, habitude que j’avais perdu depuis pas mal de temps. Et et une fois que mon émission est prête, je la diffuse sur les plateformes de Podcast, Spotify, Deezer, Hearthis, SoundCloud, Apple Music, et Amazon, etc…

 

Quels sont les retours des auditeurs depuis les premières diffusions ?

Etrangement, je ne m’attendais pas à autant de retombées pour ces styles de musique. Ca a pris un peu de temps à décoller, mais j’ai assez vite remarqué qu’il y avait un socle d’auditeurs réguliers, et ça, c’est un bon baromètre pour une émission de radio. Depuis un an maintenant, chaque numéro que je diffuse se retrouve dans le Top 10 des émissions de Rock de la plateforme Hearthis, c’est à peine croyable de se retrouver parmi des médias internationaux dont on sent qu’il y a des moyens qui ne sont pas les mêmes que les miens. Une jeune fille de 25 ans m’a dit qu’elle avait découvert Clapton grâce à l’émission que j’avais réalisée sur Patti Boyd, et que Layla de Derek & Dominoes était devenue la chanson en tête de sa playlist sur Spotify. Récemment, un auditeur m’a dit avoir découvert Bob Seger grâce au Juke Box se demandant comment il avait pu vivre sans jusqu’à cette découverte, et des commentaires comme ça, j’en reçoit assez régulièrement. Voilà, c’est ça mon salaire, ma récompense, et ça me conforte dans l’idée que même si une émission peut être longue (celles sur Bob Seger et Mark Knopfler durent trois heures chacune !), il faut toujours s’efforcer d’offrir un contenu de qualité avec un rythme qui tient l’auditeur en haleine.


Avez-vous d'autres projets à venir ?

J’ai toujours eu envie d’avoir ma propre radio, c’est probablement un rêve utopiste, mais ça m’a toujours travaillé. Je roule beaucoup pour mon job, et donc j’écoute en traversant la France de long en large les radios locales ou commerciales sur les territoires que je traverse. On entend toujours la même chose, des ersatz de RTL2 ou de RFM à la pelle, mais rarement des radios originales, avec des programmations qui sortent de l’ordinaire, sauf parfois avec des radios associatives, mais soit la configuration technique est de piètre qualité, soit du fait de se déplacer, on les perd assez vite.

Récemment une radio près de chez moi s’est arrêtée, la fréquence était en vente, j’avoue y avoir réfléchi, mais trop pris par ma vie professionnelle, je me suis dit que ça n’aurait pas été raisonnable de rajouter encore des activités à un agenda déjà bien chargé 😊 

 

Pour finir, quelle question auriez-vous aimé que l'on vous pose ?

Hahaha, quelle drôle de question ! "Est-ce que ma passion pour la création de contenus radios relève de la psychanalyse ?" 😊 

Vous avez trois heures, et pendant ce temps, écoutez donc le Jukebox du Delta Man 😊 Merci une nouvelle fois d’avoir sélectionné mon émission pour cette interview !

 







 

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